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Chaque année la mare est l'objet d'une fête réunissant l'ensemble des villages environnant   Stef


Tous les ans en effet, le fleuve jouxtant déborde durant la saison des pluies. Lorsque l'eau se retire enfin, des poissons restent prisonniers. Les pêcheurs...

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Nous sommes le mercredi 19 mai 1997, je me réveille dans la case réservée aux invités de l’oncle de Mamady mon ami étudiant en lettres. Ronde et vaste, elle dispose de deux entrées, ses seules ouvertures, les murs couverts de torchis et son toit en paille assurent une bonne isolation nous préservant de l’ardeur du soleil, et de la fraîcheur du soir.
Devant moi figure l’étonnant portrait en noir et blanc d’un homme de couleur en costume militaire français, c’est le grand oncle de Mamady qui servit sous le drapeau tricolore durant la Première Guerre Mondiale.
Ce dernier devait être un grand combattant car, ici en terre Mandingue, pays de conquérants, les jeunes sont initiés dès le plus bas âge aux vertus des guerriers, secret, obéissance, et courage.

Je me frotte les yeux, m’asperge le visage d’eau fraîche, me fait couler un filet d’eau sur ma nuque et m’en vais retrouver mon ami. Je l’invite a prendre un repas prés de la gare routière. Sur le chemin les femmes étalent sur des tissus, leurs bassines remplies d’oranges pelées, de bananes, de plats préparés, Riz sauce ou Riz soupe suivant les goûts ! Moi j’ai opté pour Riz bouilli avec du lait caillé, c’est très doux et consistant pour commencer la journée.
Pendant notre repas, nous assistons à l’arrivée des minibus et des taxis. L’affluence est grande dans le village qui est sujet à son embouteillage annuel. Pourtant toutes les routes menant ici, sont de simples pistes traversant la végétation. Il faut parfois deux heures pour parcourir trente kilométrés, tellement les voies sont en mauvais état.

Les jeunes apprentis chauffeurs se disputent les bagages de leurs passagers dans l’espoir d’obtenir un petit billet. Les valises sont souvent remplies de présent pour les parents, les grands oncles, sans oublier les génies de la forêt, car il est de règle que lorsqu’on leur fait un voeu, de promettre un cadeau en échange, et s’il est exaucé, il faut impérativement faire parvenir les cadeaux à la fête de l’année suivante.
Après notre déjeuner, Mamady décide de m’initier aux mystères de la fête, nous gagnons d’abord la forêt sacrée.



Quelle surprise ! C’est du domaine de l’illusion, je m’attendais à voir une multitude d’arbres marquant une frontière, mais là, c’est un îlot.
Imaginez une masse verte sans arbre autour, donnant sur la mare d’un côté, et sur une plaine d’herbe courte de l’autre. Plus je m’en approches, plus ce dôme s’étend vers le haut, de l’extérieur on ne voit pas de tronc, simplement des lianes, des branches, et des feuilles. Mamady me tresse bientôt une couronne de brindilles.

Lorsqu’on va pour la première fois dans la forêt sacrée, il faut être couvert en signe d’invitation. Par la suite j’ai appris que la feuille verte était le symbole de l’espérance en pays Mandingue. Si une jeune fille offre une feuille verte à un étranger qui arrive au village, cela signifie qu’elle est amoureuse de lui.

Approchant enfin, je devine quatre énormes fromagers, aux racines titanesques qui, se croisant et s’entrecroisant, maintiennent verticaux les piliers de cette cathédrale végétale. Les cîmes disparaissent dans la hauteur du feuillage. Un enchevêtrement de lianes et de plantes suspendues aux branches forme les parois, qui, pénétrées avec douceur laissent filtrer une douce clarté rappelant les vitraux de nos lieux saints où il fait aussi frais qu’ici. Nous commençons à faire le tour lorsque j’aperçois derrière les troncs accolés, un vieux écoutant un jeune couple habillé à l’occidentale. Mamady m’indique qu’il formule leurs voeux aux génies par l’intermédiaire de ce doyen, sur le côté, d’autres visiteurs attendent leur tour.

La forêt est apaisante, dans le calme quelques étrangers prennent des photos devant les racines qui dépassent facilement la taille d’un homme.Après cet arrêt incitant au recueillement, nous sommes attirés par le son des percussions résonnant sur la place du village.



Autour d’un chêne géant s’est formé un vaste cercle de spectateurs, au centre duquel se déroule un Doundoumba appelé aussi Danse des Hommes Forts.A grands pas, les danseurs vêtus de pantalons bouffants bleus ornés de bandes blanches, brandissant haches ou fouets, défilent devant les musiciens.

Rappelant des soldats en uniformes, ils s’échauffent le corps en paradant sur le son du tambour, à l’appel de celui-ci le rythme devient plus tonique, à ce moment les plus jeunes viennent individuellement devant le batteur, affirmant leurs dextérité et agilité par l’originalité et la puissance de leurs acrobaties, me rappelant celles qu’on peut voir dans notre Hip-Hop. Après ces démonstrations individuelles, les danseurs se regroupent. Ils sont plus d’une centaine, se courbent, avancent, reculent, la danse est une cohésion. Nous pressentons alors les origines guerrières de cette tradition. La Danse des Hommes Forts réclame une grande énergie due aux montées de tempo que le danseur doit accompagner en se faisant violence pour faire preuve de son courage et ne pas perdre la face devant le public.

Le rythme musical a un cycle très long, laissant de larges plages libres à l’improvisation où s’enchaînent des accélérations et des retombées. Le temps fort est juste suggéré par un silence, par une pause. L’orchestration de base se compose de gros tambours sur lesquels on frappe avec un bâton, la résonance sourde qu’on obtient en tapant sur ces de peaux de vaches tendus sur des troncs évidés produit un son «Doum».
Après une telle démonstration de force, la cohue générale nous pousse sur le chemin du bosquet.


Les musiciens accompagnés par le chant des femmes mènent l’assemblée au coeur du lieu sacré ; Là le cortége prend une amplitude proche de l’invocation, la transe gagne certaines jeunes filles, celles-ci ne chantent plus, elles crient, elles implorent, dans une frénésie contagieuse les Génies de la forêt. Mamady m’explique qu’elles désirent avoir un enfant ou remercient pour leur grossesse : c’est un rite de fécondité.
A présent dans la cathédrale de verdure, nous baignons dans une ambiance maternelle, pleine de chaleur et d’espoir.
Qu’il est doux d’entendre ces voix se déchaîner, ces corps se coller, se serrer à s’en étouffer.
Ici les douleurs s’oublient, se soignent dans une cérémonie collective, où la musique, la danse, et les chants agissent comme des remèdes.

Il est midi déjà lorsque l’assemblée se tourne vers la mare. Tous les ans en effet, le fleuve jouxtant déborde durant la saison des pluies. Lorsque l’eau se retire enfin, des poissons restent prisonniers. Les pêcheurs attendent la fin de la saison sèche pour deux raisons : d’abord afin que le fretin grossisse, ensuite parce que la mare se réduisant, il devient plus facile d’y attraper le poisson. Par entendement c’est le conseil des anciens qui décide chaque année de la date de la fête, en fonction de l’arrivée plus ou moins tardive des pluies.

Réunis aujourd’hui autour de la mare, tous les habitant de Baro et des villages avoisinants attendent, munis de filets et de nasses. Les enfants jouent, les femmes discutent par petits groupes, les vieux fouillent les abords avec leurs piques pour y d’ébusquer des tortues. Tous observent le gardien qui, muni d’une lance, lui, s’avance au milieu de la mare. Des centaines de personnes, massées sur les rives, s’apprêtent à le rejoindre.L’impatience grandit. Soudain, le gardien jette sa lance.


C’est le signal, de tous bords, la foule se rue sur lui, c’est un déferlement humain, les plus jeunes courent dans la vase à en perdre haleine, tel un piège se refermant sur ses victimes, l’étang disparait sous une agitation de couleurs, un véritable cataclysme pour les poissons. Partout, on lance sans relâche son filet, c’est au rythme des travaux des champs que la mare est labourée, envahie par les paysans.
En tant qu’observateur je ne vois pas beaucoup de prises, mais découvre un prodigieux moment de fraternité où chacun, se retrouve les pieds dans la boue, et le sourire aux lèvres.

 Récit de la 758 ème fête de Baro Guinea

    
  Posté le 21/02/2004 21:02
   Stef