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République de Guinée | 2012 | 52 min | vostf
Un film de : Julien Raout, Florian Draussin

Pour commander le DVD = http://www.troisiememonde.net/shop



Entretien avec FLORIAN DRAUSSIN & JULIEN RAOUT

Qu’est ce qui vous a poussé à réaliser un film sur la guitare électrique africaine ?

JR : C’est une envie que nous avions depuis déjà plusieurs années, en 2003 j'ai commencé une thèse d'anthropologie autour de problématiques liées à la mondialisation et à la musique. Au cours de mon enquête de terrain en Guinée je me suis rendu compte de l'intérêt international porté à la percussion, et inversement du manque de visibilité des musiciens africains « électriques » pourtant extrêmement originaux. C'était un contexte parfait pour prendre le contrepied des idées reçus sur la musique africaine.

FD : D’autant plus que nous sommes musiciens nous même. La musique, c’est un peu l’ADN de Troisième Monde. Julien avait déjà travaillé autour des musiques Gnawa du Maroc, et moi sur les musiques de l’Océan Indien. En tant que guitariste, nous nous sommes senti très vite en phase avec la musique guinéenne au point de la jouer nous même. A force de l’écouter, d’en parler, la volonté est née de filmer ces musiciens en action mais aussi de raconter l’histoire insolite de la guitare électrique en Afrique de l’ouest. Le choix de la Guinée s’est fait naturellement pour raconter cette histoire.




Justement, qu’est ce qui fait l’originalité de la guitare guinéenne ?

JR : Les guitares électriques sont arrivées en Guinée pendant la colonisation pour jouer des musiques européennes et divertir les colons. Après l’indépendance en 1958, le président Sékou Touré a sommé ces musiciens « modernes » et urbains de retourner au village pour s’immerger dans les musiques traditionnelles et réapprendre les anciens rythmes. Cette politique culturelle a contribué à l’invention d’une musique nouvelle. La plupart des pays d'Afrique ont d'ailleurs suivi cette voie tracée par les guinéens en créant à leur tour leurs propres orchestres modernes.

FD : Jusqu’à aujourd’hui, la Guinée est un pays musicalement à part en Afrique de l’ouest, les orchestres se sont assez peu pliés aux canons de la « world music », les dictatures successives ont pendant longtemps rendu le pays hermétique aux producteurs étrangers. On peut s’en rendre compte en écoutant les productions des disques publiés par Syliphone : la maison de disque officielle de l’Etat jusqu’en 84. Ce cloisonnement, combiné à l’injonction du gouvernement de pratiquer danse et musique dans des orchestres ou des ballets nationaux, a infusé une identité guinéenne dans tous les secteurs du pays. Exemple assez parlant : pour filmer le Super Boiro Band, il faut se rendre à la caserne de Conakry et montrer un laissez-passer devant les militaires en arme, avec comme récompense, un groove au pas et un commandant qui prend des solos de guitare hallucinants.




Effectivement vous avez filmé beaucoup de groupes mythiques des années 60 comme le Bembeya Jazz…

FD : Oui, nous avons trouvé tous ces orchestres encore en activité… Le Bembeya Jazz forcément, mais aussi les Amazones, Bala et ses baladins, Kelitigui, le Super Boiro Band et bien d’autres. Toujours fidèle à leur répertoire et continuant de répéter régulièrement.

JR : Ce sont des musiciens qui, depuis l’indépendance du pays, ont consacré leur vie à la culture, totalement au service de la révolution. Ils étaient pour la plupart fonctionnaires au sein d’orchestres subventionnés par l’état qui fournissait les lieux de répétitions et les instruments. Aujourd’hui, les membres fondateurs de ces groupes sont souvent à la retraite mais ils continuent de former de jeunes musiciens pour faire perdurer les orchestres.




Concernant les musiques ouest africaine, on parle souvent de griot, est ce le cas dans votre film ?

JR : On peut le dire : La plupart des guitaristes de notre film ont pour patronyme Kouyaté et Diabaté, c’est à dire qu’ils sont issu de la caste des Griots, ils ont simplement troqué le balafon ou la kora de leurs parents ou grands-parents contre une guitare électrique.

FD : Tout en restant fidèles à leur musique, ces musiciens ont transposé les mélodies et les formules rythmiques du répertoire des griots sur les guitares, tout en intégrant des influences plus contemporaines qui avaient pu filtrer de guitaristes électriques occidentaux à l’époque, également en s’inspirant du Highlife gahnéen qui a beaucoup influencé les orchestres de Guinée.

JR : Leur fonction restant cependant inchangées : à la manière des anciens griots, les orchestres modernes ont longtemps chanté les louanges des présidents en exercice. Mais dans les années 80, avec les politiques d’ajustements structurels imposées par le FMI, le gouvernement guinéen a stoppé net les subventions à la culture, la plupart d’entre eux ont du reprendre les activités dévolues aux griots comme l’animation de cérémonies, de baptême, de mariage, les louanges aux hommes puissants, magnats de l’industrie ou autres…




C’est vrai que vous abordez les difficultés de ces musiciens, pourtant votre film reste assez positif ?

JR : En rencontrant les musiciens en Guinée, on se bien rend compte des problèmes pour faire perdurer un groupe, d’autant plus un groupe de musique amplifiée. Il n’y a que quelques heures d’électricité par jour, le reste du temps il faut répéter et faire les concerts avec un groupe électrogène. Les occasions de jeu bien rémunérées sont rares mais les musiciens sont passionnés et ils répètent sans relâche.

FD : Il y a quelque chose de mystérieux dans la musique guinéenne, à la fois positive et mélancolique, à l’image du pays et peut être même du continent. Cette complexité nous a poussé à essayer de ne pas enfermer notre regard dans un clivage Afrique cauchemar ou Afrique éternelle. Nous avions au contraire la volonté de révéler les différentes nuances parfois très distinctes de la culture guinéenne, tout en considérant la représentation que les guinéens se faisaient eux-mêmes de ces mises en scène de glorification du pays ou d’une personne. La guitare électrique est un fil rouge dans le film, elle accompagne les chanteurs ou les griots, entremetteurs sociaux qui exercent dans toutes les strates de la société, nous permettant de circuler du monde de la bourgeoisie urbaine de Conakry au monde rural des féticheurs.




Justement, dans la deuxième partie du film, vous plongez totalement dans l’univers de la sorcellerie...

FD : Oui, les féticheurs ! Julien avait déjà constaté au cours de ces recherches antérieures la présence de guitares électriques dans les cérémonies animistes des féticheurs de Haute Guinée. Apparemment cet instrument a été adopté depuis une dizaine d’années par leurs confréries.

JR : C’est un univers assez secret…et haut en couleurs. Il est intéressant de constater que beaucoup de jeunes guinéens ont d’ailleurs découvert à travers notre film les rituels de féticheurs. Les féticheurs utilisent les plantes médicinales pour soigner mais aussi pour empoisonner, c’est pourquoi ils sont craints par toute la population qui leur prêtent des pouvoirs occultes. Les négociations ont été rudes pour pouvoir assister à leur rituel et le filmer. Ils nous ont proposé une démonstration en ville, aux yeux de tous ou une démonstration cachée, en brousse. Puis on nous a prévenus qu’en brousse, la cérémonie convoquait des forces occultes qui pouvait nous effrayer.

FD : Le tournage n’a pas été simple, c’était une véritable confrontation dans laquelle la caméra était l’interlocutrice des féticheurs en transe montrant leur état modifié de conscience. La guitare électrique déclenchant et soutenant la possession par sa densité sonore saturée.




Dans ce rituel la guitare électrique a donc remplacé le bolon. N’avez vous pas peur justement que les instruments traditionnels disparaissent au profit des instruments occidentaux ?

FD : Le pire serait la folklorisation, la tradition qui se fige, de voir la pratique musicale africaine comme un réservoir d’authenticité. Une image rassurante pour les occidentaux en recherche d’enracinement. Notre film contribue plutôt à montrer une musique vivante et des musiciens ancrés dans les problématiques de notre époque.

JR : Je pense que la mondialisation n’est pas synonyme d’uniformisation. On voit que l’arrivée des instruments européens avec la colonisation n’a pas anéanti la musique traditionnelle mais a contribué à l’invention d’une musique nouvelle. C’est d’ailleurs le cas dans le domaine de l’identité en général, on ne l’affirme jamais mieux qu’en s’emparant d’éléments culturels étrangers. Les instruments traditionnels ont toujours leur place mais, par sa puissance sonore et l’image de modernité qui lui est associée, la guitare électrique est un instrument efficace et les musiciens qui ont pour objectif de mettre en transe des sorciers sont pragmatiques. La forme évolue mais le sens du rituel reste le même.





http://comitedufilmethnographique.com/rites-electriques-en-guinee-conakry/

Julien Raout prépare une thèse de doctorat en anthropologie (Université de Lille 1) sur le tourisme musical en République de Guinée. Il est associé aux programmes de recherche de l’EHESS sur les croisements musicaux élaborés à la Fondation Royaumont. Il a initié une série de film sur le thème « musique et société » (Street Symphony, 2001, Les fils de Bilal, 2003).
Florian Draussin a collaboré à des réalisations vidéos allant de l’art contemporain aux films ethnomusicologiques en participant à une série de films sur les musiques de l’océan Indien dirigée par Victor Randrianary.

 Rites électriques Guinea

    
  Posté le 06/05/2015 09:47
   Julien Raout
Stef  Le 06/05/2015 10:46  
Merci julien et florian pour ce travail qui exprime encore une fois l'originalité la créativité et la richesse de la musique guinéenne

Votre entretien analyse au mieux les raisons de cette singularité.
Le manque d'alternative sérieuse pour un avenir meilleur au pays. La relative réussite de ces artistes expatrié, l'enseignement dans les structures hérité de la révolution (ballet, quartier, préfecture) encourage encore aujourd'hui l'apprentissage des arts et le développement de talents.
Etre guinéen et artiste sont des chemins proches, participants à l'identité nationale.

La rencontre entre les coutumes, la tradition, les féticheurs et la modernité symbolisé par l'introduction de la guitare électrique lors de leurs cérémonies. Nous prouve que tradition et coutumes sont toujours en vie dans ce pays de guinée.

Bravo pour ce travail mettant en relief un domaine musical guinéen trop souvent oublié face à celui des percussions, néanmoins tout aussi riche dans ces représentants et réalisation que ce dernier.
Voici pour info voici un jeune artiste guinéen faisant une large place à la guitare Moh! Kouyaté
https://www.youtube.com/watch?v=ps23XEV_bpo