Rites électriques   Julien Raout    1 Com


République de Guinée | 2012 | 52 min | vostf Un film de : Julien Raout, Florian Draussin Pour commander le DVD = http://www.troisiememonde.net/shop ...

RENCONTRE AVEC LA GUINEE… témoignage de Nicolas Jozef Fabre alias Jobaga   jozef    2 Com


La première fois que je suis allé en Guinée, c’était en 2003 je crois. A l’époque j’étudiais déjà la polyrythmie depuis trois ans et naturelleme...

Fadouba Oularé Le Film - L'Homme qu'il faut à la place qu'il faut -   matthieu gonifola    1 Com


C’est en voyant Fadouba jouer avec Famoudou Konaté et Mamady Keita dans le documentaire « Mogobalu » de Laurent Chevalier que l’idée d’un film sur Fad...

Bassi, une histoire de parole   Rafaël


Bassi signifie médicament en langue malinké. Ce mot est utilisé, comme beaucoup d'entre vous le savent, pour nommer les produits et talismans délivrés par...

De la condition paysanne à l'Office du Niger et son évolution   vtitep


Nous venons de réaliser un documentaire vidéo au Mali, dans la zone de l’Office du Niger. Il s’intitule « Office du Niger, du travailleur forcé au paysa...

La mare aux miracles   loïc


Loïc DEFERT, Préambule: Ce texte est un résumé des réflexions qui me sont venues lors d'un travail universitaire sur la notion de patrimoine, dont le s...

Boron Boron   Globalpurpose


Je me suis rendu en Janvier en Republique de Guinee pour enregistrer l'album (les 2) de Diarra Konate (Sabari Kagnin) en Janvier et fevrier 2005 . Une fois cec...

Url : http://www.donaba.net/doc/theme/de-la-condition-paysanne-a-l-office-du-niger-et-son-evolution?id_doc=65891

Nous venons de réaliser un documentaire vidéo au Mali, dans la zone de l’Office du Niger. Il s’intitule « Office du Niger, du travailleur forcé au paysan syndiqué », et nous proposerons prochainement un lien sur donaba dès que la version finale sera en ligne sur youtube ou google video. Néanmoins nous nous proposons de discuter d’ores et déjà dans cette tribune de certaines problématiques traitées dans le film, et que nous avons étudiées au Mali.

L'Office du Niger est un de ces endroits précieux où il est possible de suivre les évolutions sociales et économiques, sur un espace limité, depuis plus de 70 ans. Archives coloniales, rapports divers, livres, témoignages, permettent d'en dresser un tableau relativement fidèle. Et surtout, certains des acteurs principaux, paysans, cadres, chercheurs et responsables politiques, sont toujours vivants. Notre documentaire est fondé sur les témoignages, complémentaires et souvent contradictoires, de ces maliens ayant vécu l’histoire de l’Office depuis sa création, d'où le parti pris d'une approche historique à partir de regards croisés sur les mêmes périodes ou sur les mêmes thèmes. L'histoire reste toujours prégnante dans les esprits et continue à façonner les pratiques, les rêves et les visions d'avenir.

L'Office du Niger est un vaste aménagement hydroagricole créé en 1932. L'objectif était, à cette époque, d'irriguer un million d'hectares destinés à produire du coton pour l'industrie française (alors en concurrence avec l’industrie anglaise approvisionnée par d’autres pays colonisés comme l’Egypte) et du riz pour nourrir les travailleurs agricoles et plus tard les populations de l'Afrique Occidentale Française. Actuellement, en 2007, les superficies irriguées s'étendent sur 80 000 hectares, sont cultivées par 35 000 exploitations agricoles, regroupant une population de 285 000 habitants. Après l’abandon du coton, le riz est devenu la culture principale mais le maraîchage, essentiellement l'échalote et la tomate, fournit aujourd’hui un revenu monétaire appréciable.

Qu’apprend-t-on lorsqu’on interroge les archives et les anciens, lorsque l’on regarde en arrière ?

Si le thème de la colonisation reprend de l'actualité, les entretiens en montrent toute l'ambiguïté : s’opposent d’un côté une logistique inhumaine de déplacements contraints de populations (depuis l’ancienne Haute Volta également) dès les années 30, avec la complicité des chefs coutumiers, pour instaurer un travail forcé (où beaucoup d’africains perdront la vie) pour creuser les canaux et cultiver, avec d’un autre côté une certaine « intelligence » du colonisateur qui assure nourriture, santé et équipement aux paysans installés, appelés "colons", et propose les bases d’une réflexion novatrice sur les organisation paysannes. La fin de la colonisation française dans les années 50 apparaît comme une période plutôt favorable à la paysannerie : hausse des prix, création d'organisations paysannes et syndicales, certes contrôlées, mais création aussi d'un espace politique, avec des partis et des élections qui conduiront à l'Indépendance. Les bienfaits et les méfaits de la colonisation conduisent à une situation paradoxale où les anciens expriment leur nostalgie de cette période d’encadrement musclé par les blancs… la vie devait être réellement difficile en zone sèche à l’époque pour que ces hommes regrettent une période où leur condition était proche de celles d’esclaves. Loin de rouvrir le débat sur la colonisation (honte aux députés français qui osent mettre son bilan en balance !), l’ambiguïté du vécu de cette période par les anciens est particulièrement troublante.

L’indépendance du Mali au début des années 60 pousse de jeunes maliens nationalistes et marxistes au pouvoir et fait naître de nombreux espoirs dans la paysannerie. Le nouveau gouvernement de Modibo Keita voit dans l'Office un lieu privilégié pour instaurer le socialisme. Croyance commune à de nombreux régimes "socialistes" de l’époque, la production en partie collective et la mécanisation doivent fournir un surplus agricole à réinvestir dans une future industrialisation du pays. Les paysans colons qui espéraient des jours meilleurs avec l'indépendance, déchantent rapidement, car l'essentiel de leur production leur échappe et passe par des circuits de commercialisation étatiques. Enfermé dans sa logique économique, Modibo Keïta va peu à peu se mettre toutes les classes sociales du pays à dos.

Il est renversé en novembre 1968 mais le nouveau régime militaire mis en place par Moussa Traoré applique les mêmes méthodes d'encadrement musclé et de contrôle autoritaire de la commercialisation. Dans ce contexte, les paysans, qui ont perdu toute autonomie, sont découragés, les rendements baissent, les canaux sont mal entretenus, l'endettement s'accroît et des cas de malnutrition apparaissent.

A partir de 1984, un changement profond s'instaure. Poussé par une nouvelle génération de cadres maliens et par les bailleurs de fonds, le président Moussa Traoré écoute les doléances des paysans et desserre les principales contraintes qui s'exercent sur eux. En une dizaine d'années, des facteurs favorables s'enchaînent et se renforcent réciproquement.

- Une révolution technique. l'Office réalise une révolution verte que l’on dit introuvable en Afrique : maîtrise de l’eau améliorée par réhabilitation des canaux et du planage, semences nouvelles, engrais, repiquage. Le rendement moyen du riz est multiplié par 3 ou 4 et passe de 1.5 T/ha à 6 T/ha, supérieur aux rendements asiatiques.
- Une production rentable. L'irrigation se fait par gravitation, sans besoin de pompage et les travaux culturaux se font en culture attelée bovine, donc sans tracteurs. Contrairement à d'autres aménagements africains, les coûts restent bas et ne sont pas sensibles au prix du pétrole et des machines.
- L'amont et l'aval de la production améliorés. Au-delà de la production, les circuits d'approvisionnement en engrais et semences, les systèmes de crédit, le battage, le décorticage et la commercialisation du riz, deviennent plus efficaces. Au monopole de l'Office pour toutes ces fonctions et au contrôle qu'il permettait, notamment à travers les grandes batteuses et les rizières industrielles, se substituent des organisations paysannes, des petites batteuses gérées au niveau villageois, des décortiqueuses privées achetées par les paysans aisés et par les commerçants. Des caisses d'épargne et crédit se mettent en place, une concurrence s'instaure entre commerçants pour l'approvisionnement des engrais et pour la commercialisation du riz. Ceci ne va pas sans difficultés, sans "arnaques" et sans conflits, mais des structures de services se mettent en place pour faciliter les transitions et la défense paysanne.
- De nouveaux rapports sociaux. Les résultats antérieurs de l'Office ont bien montré les limites des approches directives de l'encadrement et la nécessité d'une plus grande autonomie des paysans. L'Office se réforme, des organisations paysannes et des syndicats apparaissent et des rapports contractuels, notamment autour de la gestion de l'eau et de l'entretien des canaux, s'établissent.
- L'Office et de nouvelles politiques agricoles et économiques. L'Office n'est pas une enclave, mais s'inscrit dans les transformations des politiques économiques du Mali. Si une certaine libéralisation du marché céréalier est, dans un premier temps, tout à fait favorable aux paysans, elle crée à son tour des déséquilibres et appelle de nouvelles régulations. Même si le Mali, pays enclavé, dispose d'une protection géographique naturelle, la production nationale subit la concurrence des importations de brisures de riz asiatique, considérées comme des sous-produits vendus à bas prix. Ceci explique la mise en place à la fin des années 1980 de politiques tarifaires atténuant les variations du marché international. En 1994, la dévaluation du franc CFA rétablit, pendant de nombreuses années, la compétitivité du riz malien.

Cette libération tardive des paysans par Moussa Traoré a miraculeusement effacé dans l’esprit des maliens toutes les exactions commises à leur encontre, notamment par la police économique et les milices qui, autour de l’Office et dans les champs, surveillaient et fouillaient les paysans de sorte qu’il n’emporte pas de riz chez eux. Les femmes se rappellent particulièrement bien de ces humiliations.

Que retenir de ces trois grandes périodes historiques ? Que malgré les importantes ruptures qui caractérisent le passage de la colonisation à l’indépendance, puis du régime socialiste à la dictature militaire, la continuité est flagrante pour les paysans : les trois régimes successifs ont détourné le surplus de leur production pour d’autres activités ou d’autres classes sociales. Et la paysannerie, exploitée et fragilisée, a essayé de sortir de cette situation précaire en travaillant pour son compte sur des champs « hors-casiers », ne tombant pas sous la coupe de l’Office. L’asservissement des paysans n’a jamais pu permettre d’atteindre la production espérée, et si aujourd’hui ces derniers commencent à être reconnus comme des partenaires incontournables du développement (enfin !), de nombreuses inquiétudes subsistent.

La croissance démographique naturelle, combinée avec une demande externe d'installation de paysans habitant lez zones sèches mais aussi de commerçants et de fonctionnaires, conduit à une diminution régulière des superficies par exploitation. En deçà d’un certain seuil (3 à 4 ha), la rentabilité n'est plus assurée et certaines familles rentrent dans un cercle vicieux d'endettement et de bas rendements. D'autres, peu nombreuses, arrivent à capitaliser et s'enrichissent. La différenciation sociale, à l'intérieur de la paysannerie, s'accroît ; le métayage et le salariat agricole se développent, et avec eux la précarité. Il faut étendre les superficies, mais comment financer ces investissements coûteux? Les bailleurs de fonds semblent timorés et le gouvernement malien, notamment à travers le NEPAD, souhaite attirer des investissements privés, libyens, sénégalais ou chinois. Une agriculture commerciale privée, fondée sur les capitaux et le salariat agricole, viendra-t-elle supplanter l'agriculture familiale?
La récente loi d'orientation agricole (septembre 2006), bien que favorable à une agriculture familiale, reste ouverte à des exceptions permettant l'agriculture commerciale. D'où l'hésitation des décideurs politiques et des cadres, et la grande sensation de « flou » qui ressort de l’analyse du futur de l’Office du Niger. Il ne semble pas pourtant que la démarche actuelle de l’Etat soit d’essayer d’aider les quelques 30 000 familles de l’Office (sans compter les familles élargies qui en bénéficient indirectement) à se consolider pour sortir de la crise.
Et bien d'autres problèmes continuent à se poser comme la sécurisation du foncier, promise dès 1937 mais jamais réalisée, un système de production intensif qui peu à peu épuise les sols et aggrave le risque de salinisation des terres, l'avenir des jeunes et la place des femmes, l’articulation nouvelle entre l'encadrement de l'Office et les paysans, plus ou moins bien organisés, la qualité de l'entretien des systèmes hydrauliques et le montant de la redevance pour y parvenir, le risque toujours présent de la concurrence des brisures de riz importées, avec la baisse possible de la protection dans le cadre de l’intégration régionale…

A travers l'Office du Niger, comme dans un condensé, tous les problèmes de "mise en valeur" (époque coloniale) ou de "développement" (actualité) se trouvent ainsi posés, mêlant étroitement les aspects techniques, économiques, sociaux et politiques, les dominations, les conflits, les luttes et les compromis.
Dominique Gentil, Loïc Colin et Vincent Petit
 De la condition paysanne à l'Office du Niger et son évolution Mali

    
  Posté le 18/09/2011 09:02
   Vtitep