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Loïc DEFERT, Préambule:

Ce texte est un résumé des réflexions qui me sont venues lors d'un travail universitaire sur la notion de patrimoine, dont le sujet devait être un lieu.

Sensible à l'environnement et amateur de percussions et de culture africaine, j'ai choisit la mare de Baro car on avait là un lien évident entre culture patrimoine (immatériel) et environnement.





La notion de patrimoine immatériel
Le terme de patrimoine immatériel est apparu en 1982. Il est issu d'une réflexion entamée dans les années 1970 par les spécialistes de l'Unesco sur la culture et l'identité des peuples, et d'une prise de conscience de la diversité et de la vulnérabilité des cultures de tradition orale dans le contexte de la mondialisation. Dans un souci de reconnaissance des identités, de promotion de la créativité et de préservation de la diversité culturelle, la Conférence Générale de l'Unesco du 16 octobre 2003, a adopté à l'unanimité une Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
Un compromis concernant la définition du concept de « patrimoine culturel immatériel » a ainsi vu le jour, dont voici la définition :
On entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire (ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés) que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine...
Comme le fait remarquer Chérif Khaznadar (Directeur de la Maison des Cultures du Monde), « une définition du patrimoine immatériel n’est pas plus évidente que de dissocier ce patrimoine de la culture en général ». D’autre part, sa conservation pose de réels problèmes, « la convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel peut devenir un outil de muséification et de mort pour les cultures et la diversité culturelle ».


La mare aux miracles

Sauvegarde d'un écosystème et préservation d'un patrimoine culturel immatériel
Une mare perdue dans la brousse africaine peut sembler insignifiante et la dégradation de son écosystème passer pour un problème mineur. Pourtant, celle du village guinéen de Baro est exceptionnelle. A travers cet exemple, on peut voir à quel point l'équilibre d'un écosystème et celui d'un système culturel son fragile et sont liés.
Dans nos sociétés développées de plus en plus complexes, les domaines de l'environnement,

de la culture, de l'économie, de la politique, de la société ou de la religion, sont généralement perçus comme des domaines autonomes régis par des règles indépendantes. Les sociétés traditionnelles, de taille bien plus réduites, gardent au contraire une conscience aiguë de l'interdépendance de tous ces domaines et de la nécessité de veiller à maintenir un rapport harmonieux et équilibré entre l'organisation sociale et les forces de la nature.
A travers l’exemple de la mare de Baro, nous essayerons de démontrer qu'un lien étroit unit souvent le patrimoine culturel immatériel et l’environnement. Ces deux domaines apparaissant comme d'autant plus liés dans le cadre d'une culture teintée d’animisme qui célèbre les esprits de la nature, et dont la survie en tant que communauté dépend étroitement de l'écosystème dans lequel elle évolue.
La fête de Baro serait ainsi la clef de voûte d’un système culturel datant de l’origine du peuplement du village, transmis de génération en génération. Si elle semble n’avoir qu'assez peu évolué durant sept siècles, cette institution rituelle reste cependant fragile, dans un contexte où l’évolution sociale et culturelle des sociétés dites traditionnelles s’accélère avec les mutations du XXIème siècle.
La fête de la mare de Baro rassemble des traits représentatifs des pratiques sociales et culturelles communes à l’ensemble des populations de l'Afrique de l’Ouest, mais aussi des spécificités caractéristiques de l'ethnie Malinké, ainsi que d'autres traits plus particuliers au canton de Hamanah

L’aspect environnemental et écologique
Devant la raréfaction du poisson dans la mare de Baro, les habitants du village se sont trouvés bien démunis, peinant à comprendre le phénomène dont ils étaient victimes. Un projet ayant pour but de réhabiliter la mare s'est mis en place grâce à des soutiens extérieurs.
La déforestation des environs de la mare, la destruction progressive par l'homme du milieu naturel des abords de la mare serait en grande partie responsable de la disparition des poissons. En effet ces derniers élisent domicile dans les zones aux eaux troubles, couvertes par la végétation et les débris flottants, qui les abritent des rayons du soleil trop ardents.
Or, les environs de la mare ont été défrichés petit à petit. Les arbres qui constituaient une sorte de mangrove lorsque la mare était à son niveau le plus haut, ont disparu. Puis les hautes herbacées aux rhizomes très tenaces qui constituent la végétation principale de la mare, ont été à leur tour détruits par l'utilisation de la charrue et ensuite du tracteur. Aujourd'hui, la végétation du bord de la marre est constituée d'herbes rases et de terres agricoles qui s'étalent jusqu'à la limite des eaux.
Les espaces de végétation semi inondée étaient de véritables frayères pour les poissons.
Le biotope a été dégradé au point que les poissons 14ne trouvent plus de quoi s'abriter, se nourrir et se reproduire.
Le conseil des sages du village, a validé la proposition qui préconise de reboiser les bords de la mare avec la dizaine d'essences que l'on trouve localement.
Une zone balisée autour de la mare sera interdite aux cultures.
De nouvelles terres agricoles seront attribuées dans la vallée à ceux qui seront contraints de quitter leurs champs au bord de l'eau.
La profondeur de la mare varie entre une cinquantaine de centimètres à la saison sèche et environ deux mètres à sa cote maximale. Sa fluctuation est liée en partie au cours d’eau Niadan. A la saison des pluies, la mare se remplit des eaux de ruissellement, son niveau grimpe plus vite que celui du cours d'eau. Elle y rejette de l'eau ainsi que des phéromones.
Ensuite le niveau de la rivière monte au point de se déverser dans la mare qui s'emplit alors de l'eau de la rivière, permettant aux poissons de s'introduire dans la mare, de s'y accoupler et de pondre. Les phéromones sont des substances chimiques qui dégagent un message sensoriel et olfactif. Elles sont importantes pour les migrations piscicoles car elles portent la mémoire olfactive du lieu de naissance et de reproduction des poissons et conditionnent leur comportement sexuel. A la saison sèche, les poissons restent prisonniers de la mare.
Par le passé, un canal existait entre la mare et le Niadan. Il permettait aux eaux de communiquer plus longtemps que lors de la crue. Faute d'entretien il s'est graduellement comblé. Les anciens se souviennent que le canal était curé chaque année avant la fête de la mare.
Le canal sera recreusé pour permettre de nouveau la communication entre la mare et le cours d'eau Niadan, afin que les poissons puissent entrer et sortir lors de la saison des pluies, et ainsi continuer à se reproduire et à pondre dans la mare.
La pêche pratiquée à Baro est une pêche d'épuisement qui vide la mare de son poisson à la fin de la saison sèche. La taille de la mare s'étant considérablement rétrécie, et son niveau atteignant moins d’un mètre aux endroits les plus profonds, il est maintenant beaucoup plus facile d'attraper les poissons. Le repeuplement par les poissons se fait lors de la saison des pluies après la fête, les poissons ont ainsi le temps de grossir pour la pêche de l’année suivante.
Pour accélérer le repeuplement de la mare, qui pourrait être long sans l'intervention humaine, des alevins seront réintroduits.

La situation de l’écosystème de Baro n’est pas un cas isolé, on retrouve des situations similaires sur l’ensemble du continent. L’exemple dramatique du plus grand lac d’Afrique, le lac Tchad, dont la surface s’est divisé par cinq en quarante ans est peut être le plus flagrant, cependant de nombreux biotopes disparaissent inexorablement. Si les aléas climatiques, la déforestation, le développement de l’agriculture et de l’élevage semblent être les causes majeures de ces changements, ces mutations sont liées à de nombreuses raisons, économiques, sociales, démographiques et parfois même géopolitiques. La pression de l’homme sur le milieu a augmenté et, les équilibres anciens se trouvent fragilisés. Un autre aspect moins visible de la question est lié à la désagrégation des valeurs traditionnelles et des pratiques qui y sont associées.
On le remarque ici avec l’abandon de l’entretien du canal, qui illustre bien cette rupture progressive entre l’homme et son environnement.


L’aspect social et culturel de la fête de la mare

La fête de la mare

Cette fête revêt une fonction culturelle, sociale et symbolique très profonde, qui nous permet d’entrevoir plusieurs aspects de la société traditionnelle Malinké, très codifiée et hiérarchisée, où les rôles des familles, des différentes classes d’âges sont précisément définis et obéissent à des règles très anciennes.
Le sens profond de ces pratiques, les rapports sociaux qui en découlent, les enjeux de leur évolution ainsi que certaines conceptions et subtilités de ce mode de pensée traditionnel n’apparaissent pas directement à nos yeux.
C’est dans le cadre de tels moments de convivialité et de partage que la communauté villageoise réactive les solidarités traditionnelles, perpétue les significations symboliques et identitaires et transmet son système de valeurs de générations en générations.
La fête, inscrite au centre de la vie du village, marque le changement des saisons, le passage

à la saison des pluies et à la nouvelle année, et rythme les travaux agricoles. C'est une fête de la fécondité, qui vise à garantir un avenir prospère au village et à la communauté.
La fête de la mare figure parmi les célébrations les plus importantes car elle contribue à rappeler l'histoire de la création du village de Baro et commémore le mythe de son lien avec le monde invisible des génies, entretenu depuis plus de sept siècles (depuis l’année 1239) par les membres de la famille Camara, les forgerons.
Cependant, même si le contexte social et économique a profondément changé, même si le rituel lié à cette pêche ne joue plus le même rôle dans l'économie de subsistance du village, cette fête perpétue le moment où le groupe se sent encore tenu de réactiver son lien ancestral à la nature nourricière.

Pour cette raison, la sauvegarde du site et la préservation durable de la ressource naturelle piscicole de cette simple mare constituent pour la population une préoccupation centrale, car c'est de cet écosystème au sens très largement culturel du terme, que dépend aujourd'hui implicitement la survie identitaire du groupe.

Les pratiques religieuses entre islam et animisme
La fête de la mare est directement liée à l’ancienne religion des Malinkés, proche de l’animisme. Pourtant l’islam s’est répandu dans cette partie de l’Afrique dès le IXème siècle par l'entremise des marchands musulmans venus du nord avec les caravanes. Le pèlerinage à La Mecque de l’Empereur Mansa Moussa en 1324 marque un tournant dans l’expansion de la religion musulmane monothéiste au sein de l’Empire Mandingue. Mais l’exemple de la fête de la mare témoigne de la survivance de la religion traditionnelle dont nombre de pratiques continuent à faire partie du quotidien des Mandingues.
Le culte des génies est un des aspects de cette religion traditionnelle, la fête de la mare en est
une expression, qui marque une étroite relation et une forte interdépendance entre l’homme et son milieu naturel. Malgré l'islamisation croissante, il est intéressant de noter que ces traditions ancestrales ont perduré, la forêt sacrée et la mosquée coexistent comme les deux symboles de ces deux systèmes religieux. La majorité des gens fréquentent les deux lieux de culte. Même si l'islam ne reconnaît pas les génies, on constate que s'opère une sorte de fusion des deux croyances à travers l’islamisation des génies qui deviennent ainsi, aux yeux de certains, des génies « musulmans ».

Conclusion :

L’exemple de Baro illustre très bien le rapport qu’un système culturel peut entretenir avec un environnement naturel.
Le rituel de la fête de la mare est le moment privilégié de célébration de ce lien. Or la fragilité de cet écosystème peut avoir des conséquences sur l’expression de cette culture, ce patrimoine immatériel qui se trouve soudain menacé de disparition.
On peut se demander si au delà des problèmes de malnutrition, d’éducation, de santé, de développement et de violence auxquels l’Afrique est confrontée, ne s’ajoute pas des problèmes majeurs comme la destruction des écosystèmes, l’appauvrissement culturel, du fait de la disparition de nombreuses cultures et pratiques traditionnelles très vulnérables, car souvent immatérielles.
Même si tous les spécialistes considèrent qu’il est devenu indispensable de sauvegarder le patrimoine immatériel, ce concept relativement récent, généralement associé à la notion de diversité culturelle, pose un certains nombre de problèmes car il est difficile à définir et en pleine évolution.
Or il semble difficile de penser que l’on puisse trouver aujourd’hui un réel remède à cette destruction rapide des cultures immatérielles traditionnelles sans apporter du même coup des solutions aux problèmes économiques et sociaux que connaissent globalement toutes les populations concernées. La sanctuarisation en Afrique d’îlots de culture immatérielle et d’écosystèmes protégés comme des réserves exotiques, alors que se poursuivrait par ailleurs le pillage à grande échelle de ses matières premières, la destruction de ses forêts et la livraison d’armes aux plus corrompus de ses régimes, ressemble à un lot de consolation offert aux perdants de la mondialisation.

Mais on peut attribuer aussi au sort de la mare de Baro un sens plus emblématiques, car cette humble mare nous donne aussi l’image en réduction de tous les enjeux qui sont liés aujourd’hui à la question du devenir ou de la survie de notre écosystème planétaire...
 La mare aux miracles Guinea

    
  Posté le 18/09/2011 08:23
   Loïc